La réforme liturgique et ses opposants : deuxième réponse à Dom Pateau


viadelconcilio011
Il P. Pierre Vignon ha tradotto in francese la mia seconda risposta all’Abate di Fontgombault. Lo ringrazio per questo prezioso servizio al dialogo.
La réforme liturgique et ses opposants : deuxième réponse à Dom Pateau
par Andrea Grillo

Cher Père Abbé,

J’ai lu avec grand plaisir votre réponse aux considérations que j’avais jointes à votre précédente interview. Il me semble que, dans la diversité des itinéraires par lesquels nous évaluons avec une participation attentive, la “question liturgique” en tant que problème décisif pour l’Église du présent et de l’avenir, émergent certaines perspectives qu’il est nécessaire d’éclaircir avec une lumière davantage convaincante. J’examine donc vos trois affirmations-clés et je les soumets à un examen sincère, en reconnaissant pleinement l’intention droite qui guide votre préoccupation, mais en signalant de manière tout aussi franche là où je trouve les plus grands problèmes dans votre façon respectable de les présenter.
a) Summorum Pontificum et la fiction des “deux formes” du rite romain.
 
Vous identifiez très bien ma difficulté fondamentale. il n’y a pas deux formes du rite romain, mais les résistances à la réforme liturgique (pré-conciliaire et conciliaire) ont développé une argumentation objectivement “négationniste” à l’égard de la réforme. Le fait que le Pape Benoît XVI ait adopté cette perspective de lecture ne la rend pas vraie. Les choses déformées demeurent déformées, même lorsqu’elles sont reprises par les évêques et les papes. Pour bien le comprendre, nous devons nous demander quand cet “argument” est apparu. Vous l’attribuez au cardinal Lustiger et au cardinal Ratzinger, mais nous sommes déjà dans les années 2000. Non, l’argument est né avec la plus ancienne des réformes les plus récentes, c’est-à-dire avec la “réforme de la Veillée pascale” souhaitée par Pie XII et proposée “ad experimentum” en 1951 à toute l’Eglise. A cette occasion, parmi les évaluations que les évêques du monde entier ont envoyées à Rome, ressortait la réaction de l’archevêque Giuseppe Siri, de Gênes, lequel proposait “que la réforme de la Veillée pascale” ne concerne que ceux qui voudraient l’adopter tandis que ceux qui ne la voudraient pas seraient restés libres de suivre le “Vetus ordo”. Il y a déjà 70 ans que cette “option” est apparue et que, si elle avait été suivie, la réforme d’alors aurait été vidée de son sens. 15 ans plus tard, la même chose a été proposée par Marcel Lefebvre, immédiatement après le Concile, en demandant de pouvoir continuer à célébrer avec le VO, malgré le fait que ‘Eglise catholique avait décrété une “réforme générale” de toute la liturgie. Voilà, ce que nous devons apprendre : c’est que le “mécanisme réflexe” qui prétendrait que sont en vigueur en même temps deux rites, soit le nouveau soit l’ancien, est apparu pour s’opposer radicalement à la réforme liturgique. Et cela demeure tel avec SP malgré la déclaration des bonnes intentions. Pour cette raison, afin de demeurer fidèle au Concile Vatican II, François n’a pu qu’abroger une logique “incertaine et confuse” au sujet de la réforme liturgique. Le seul rite en vigueur est celui qui a été élaboré après le Concile, sur les indications claires du Concile lui-même. Il n’y a pas d’autre rite : il n’y a que la “forme précédente” qui, en raison de ses graves limites, a été revue et remodelée. Il n’y a pas de place possible pour un arbitrage sur ce point.
b) Il n’y a pas concurrence, il y a discontinuité et continuité.
 
La forme en vigueur du rite romain assume en elle-même la discontinuité et la continuité. Comme il est manifeste et comme cela se produit dans les faits historiques, il n’y a pas de succession du “mal” et du “bien”. On pourrait dire que, dans le VO, il y avait déjà les éléments fondamentaux du NO, tandis que dans le NO se trouvent des dimensions que le VO développait d’une façon différente. Mais il n’y a pas de “concurrence” parce que le développement de la tradition ne permet pas de garder en même temps la forme à modifier avec la forme qui la modifie. Ce n’est que pour un temps court, et sans continuité, qu’il est possible d’accepter un “interrègne” : ainsi pensaient Paul VI, Von Balthasar, et Giuseppe Siri lui-même. Et cela n’est qu’une conséquence de tous les processus généraux de réforme. Le “rite extraordinaire” a été pour cette raison une fiction juridique qui a, en fait, créé une nouvelle confusion dans l’Eglise pendant 14 ans. Comme si on pouvait “rester catholique” en ignorant le Concile Vatican II ! Cette hypothèse du tout au tout fictive a été rendue possible par un embrouillamini juridique que la Commission Ecclesia Dei a tenté en vain d’arbitrer et qu’elle n’a fait qu’empirer, jusqu’au paradoxe de prolonger le missel de 1962 lui-même. La déchirure ecclésiale est inévitable s’il est possible de célébrer la même Eucharistie dans un rite en même temps que le rite qui voulait corriger ce rite. Il fallait là une parole claire du pape, qui a été donnée avec autorité dans TC, pour rétablir le principe ancien et moderne, selon lequel il y a un seul “champ de travail” – à savoir le seul rite romain en vigueur – dans lequel on pourrait élaborer avec soin toute la célébration de la tradition.
c) Aucune “réforme de la réforme” mais la réception de l’unique réforme.
 
En troisième lieu, il est évident qu’une “menace à la réception du Concile” vient de tous les endroits où on n’accepte pas de célébrer l’Eucharistie et tous les sacrements dans la seule forme en cours. Je comprends bien que parmi ceux qui “ont fait usage de SP”, il y a aussi des différences assez importantes et que tous ne veulent pas être “la vraie Eglise”. Mais quand on célèbre avec un rite qui n’est pas en vigueur, on adopte une approche de l’Eglise qui incline inévitablement au schisme. La parole d’éclaircissement de TC ne rétablit pas seulement le principe de l’unique lex orandi, avec l’inexistence d’une “concurrence entre différentes formes rituelles”, mais elle assure aussi l’unification de la “réforme” dans la seule forme en vigueur. Cela implique une série de conséquences très pertinentes, même pour la perspective que vous, Dom Pateau, considérez justement comme importante. Nous travaillons ensemble, sur une table unique, clairement conciliaire, à une bonne réception de la réforme liturgique, à la mise en valeur d’un “ars celebrandi” qui implique fondamentalement l’assemblée, qui génère des ministères, qui engage des hommes et des femmes, qui renouvelle le chant, l’art, les couleurs, les silences et les espaces. L’Eglise n’est pas un musée à garder mais un jardin à faire fleurir.
Une dernière chose, très importante. Le Concile Vatican II n’a été ni une cause de crise ni une occasion de crise, mais le début solennel de la sortie d’une crise présente en Europe depuis plus d’un siècle. Rosmini en Italie, Guéranger en France, et plus tard Festugière en Belgique, se plaignaient déjà en leur temps de l’inadaptation des célébrations catholiques. Les formes de résistance à la réforme liturgique, qui s’expriment également dans les principes déformés adoptés par Summorum Pontificum, ne seront pas surmontées seulement par TC, mais seulement par une reprise de l’élan de ce Mouvement liturgique qui a préparé le Concile, et sans lequel le Concile ne pourra pas susciter une véritable réponse à la “question liturgique”. Sur ce point, je crois qu’il est possible que tous ceux qui ont à coeur un cheminement ecclésial commun, qui ne veulent pas créer une Eglise parallèle, une Eglise de purs, et qui ne restent pas fixés sur des formes rituelles objectivement dépassées, pourront collaborer à une meilleure qualité de la liturgie catholique. De ce travail en commun, sereinement inspiré par le Concile Vatican II et par la réforme qui en a résulté, nous pourrons être à l’avenir des soutiens convaincus malgré des chemins très différents et des sensibilités si diverses.
Avec mes cordiales salutations.
Andrea Grillo
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