Un Synode sur la vie religieuse ?


vescovi-sinodoIl y a une sorte de cohérence profonde entre les diverses invitations du Pape François : le synode sur la famille, l’année de la vie religieuse, l’encyclique sur la fragilité de la « maison commune » et l’invitation réitérée à aller aux périphéries, l’année de la miséricorde. Le peuple des hommes est ainsi convié à trouver une gestion évangélique de l’humain dans le monde où nous sommes, la miséricorde étant là pour nous assurer que Dieu est avec nous dans cette tâche impossible : inspirant, suscitant, attendant, guérissant, recomposant.

Il faudrait mettre en valeur cette cohérence, mais je voudrais, dans ce billet, revenir sur la question de la vie religieuse. Celle-ci en effet existe en vis-à-vis de la famille. C’est la même sainteté évangélique qui est poursuivie dans le cadre d’une vie conjugale, familiale et professionnelle d’un côté, dans celui d’une communauté dont les contours concrets sont immédiatement définis par des paroles de l’évangile, de l’autre.

Dans le premier cas, on se trouve dans une institution humaine appelée à se pénétrer de l’évangile ; dans le second, l’inspiration et l’institution nées de la parole évangélique doivent se pénétrer d’humanité. La famille et la communauté religieuse ont ainsi l’une vis-à-vis de l’autre une fonction de rappel prophétique.

Je viens d’écrire le mot humanité. Celle dont il s’agit est décrite dans les documents du présent pontificat : créée vraiment bonne, mais profondément blessée et qui ne peut trouver son salut que dans une conversion. La blessure se manifeste et s’aggrave dans l’avarice constitutive du monde moderne. Celle-ci fait que les immenses progrès de la science et de la technique ne servent pas en réalité à l’ensemble du genre humain, mais à un public toujours plus réduit et toujours plus riche, aux dépens d’une part de l’intégrité physique de la planète et de l’autre d’un appauvrissement toujours plus grand d’une majorité de personnes et de communautés. La question peut alors être posée dans ces termes : quelle peut être la forme concrète prise par la famille (en elle-même et avec d’autres dans la société) dans la construction d’une humanité ouverte et quelle la forme prise par la communauté religieuse au service de la même tâche ?

On voit poindre l’idée d’une famille affectivement équilibrée, sobre dans sa manière de consommer et de produire, ouverte aux autres dans une attitude de service mutuel. Et de même, des communautés religieuses fraternelles et elles aussi affectivement équilibrées, tirant partie de la liberté que donne le célibat pour aller davantage aux périphéries, partageant vraiment la difficile condition de celles-ci, s’enrichissant de leur pauvreté. Dans les deux cas, la poursuite d’une sainteté tant évangélique qu’humaine est ardue, il y faut la grâce et la miséricorde.

C’est pourquoi j’appellerais volontiers à la convocation d’un Synode sur la vie religieuse. Une « année » vise plutôt un regain d’intensité ou de densité des personnes ou des groupes à l’intérieur d’un mode d’être déjà connu et relativement fixe. Un « Synode » va plus profond : il prend acte de la nécessité de faire face à un certain nombre de défis ; il vise à définir des points de vue et des manières de faire par où l’institution puisse mieux se perpétuer, s’équilibrer, se renouveler. Un Synode veut affronter une situation de crise (au sens non négatif de ce terme) afin de reformer intelligemment. Or il y a crise de la vie religieuse, tout autant que de la famille.

Il me semble que la préparation et la réalisation de ce synode devrait être confiées aux religieux et religieuses eux-mêmes. Pourraient en prendre la responsabilité la Conférence internationale des Supérieurs religieux et celle, parallèle, des Supérieures religieuses : pour établir un questionnaire largement ouvert et, à partir des réponses, élaborer des lineamenta, qui provoqueraient à leur tour les mises au point en vue d’un instrumentum laboris.

Mais je crois aussi que les membres de ce synode devraient être des religieux et religieuses, quelques évêques pouvant assister aux débats, – les résultats étant finalement proposés à l’autorité de l’évêque de Rome et de ceux qu’il aurait commis à un ultime examen. On verrait, à l’usage, si la différence de genre devrait ou non provoquer des commissions séparées, hommes et femmes, pour des questions spécifiques ; et de même pour la différence des situations, car les problèmes ne sont sans doute pas absolument les mêmes dans les contrées dites développées et les pays dits émergents.

Il faudrait faire largement leur place aux communautés qui débordent les catégories canoniques (du type actif/contemplatif, clérical/laïque…), à celles où le lien femmes/hommes est inédit, à celles qui ont des membres non catholiques. Il faudrait éventuellement interroger les groupes religieux non chrétiens (bouddiste, soufi…).

En termes plus positifs peut-être, il serait bon de voir comment la vie religieuse s’est déjà réformée ou, plus simplement, formée, là où elle a écouté la voix du temps, le cri des pauvres, l’appel à l’intériorité, le vivre avec, les rapports responsables d’autorité et d’obéissance, la sainteté ordinaire – en un mot la « forme christique » de l’évangile aujourd’hui que, pour sa part, le pape François nous répète sans se lasser et dont nous voyons l’humble efficacité en tant d’endroits.

Oui, un Synode nous serait bien utile.

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